A cause de la guerre en Ukraine, la mission au Congo des Nations unies pour les réfugiés n’a pas vu atterrir les fonds escomptés. En cause, le système de financement asymétrique des missions humanitaires du Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR), qui lance un appel à la générosité mondiale.

La guerre en Ukraine fait tanguer le portefeuille humanitaire des Nations unies. Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), la mission du HCR est la cinquième mission la moins financée au monde. Le budget 2022 est en chute alors que les besoins ne cessent de grandir. Le nombre de déplacés internes augmente chaque jour face à la violence des groupes armés, dont le M23 dans l’Ituri. Dominique Hyde, directrice des relations extérieures pour le HCR, lance un appel à la générosité mondiale.

Est de la RDC

En quoi la situation dans l’est du Congo est-elle préoccupante ?

J’étais au Congo il y a moins de deux semaines. Je suis repartie en colère sur la profonde injustice en termes de sous-financement et l’impact pour les populations locales. Il y a en ce moment 5,6 millions de déplacés internes dans le pays. Il s’agit de la plus grande situation de déplacement de tout le continent africain. D’ici peu, on sera à 5,9 millions. Il y a également plus de 500.000 réfugiés qui viennent de cinq pays avoisinants. Tout cela avec une violence incroyable de la part des 120 groupes armés non-étatiques qui déciment le pays et qui attaquent des villages partout, y compris en Ituri, où j’étais.

Quels sont les besoins des populations ?

Parmi les déplacés internes, je n’ai pas rencontré une personne qui n’avait pas perdu un membre de sa famille. Toutes les femmes avaient été victimes d’une certaine forme de violence sexuelle. Bien sûr, le HCR offre un appui psychosocial et en termes de santé mentale. Mais nous sommes sous-financés : nous n’avons reçu que 19 % des 225 millions de dollars nécessaires. C’est moitié moins que l’an dernier. Et ce sous-financement se fait ressentir à travers toute l’Afrique cette année. En plus, on est incapable d’offrir les abris nécessaires. Des hommes, des femmes, des enfants vont devoir dormir à même le sol, dans des églises, dans des écoles.

Où est passé l’argent ?

Le budget (2022) du HCR est de 10,5 milliards de dollars. Cette année, les besoins augmentent énormément à cause de la guerre en Ukraine, de la situation en Afghanistan, au Cameroun, au Tchad, etc. Et nous sommes financés de façon volontaire : des particuliers, des fondations, du secteur privé. Mais en majeure partie, on est financé par les gouvernements et les institutions… dont le budget n’a pas augmenté. Leurs choix correspondent à l’actualité ou aux intérêts de la population.

L’Ukraine a établi un nouveau standard dans l’ouverture des communautés et des gouvernements aux personnes contraintes de fuir leurs foyers face à la peur. Ce n’est pas que la générosité mondiale a baissé, c’est qu’elle a été allouée à l’Ukraine. On apprécie, forcément, parce que des maisons et des vies ont été détruites en Ukraine, mais on demande la même chose partout ailleurs. On observe une augmentation des « contributions fléchées » : des décisions prises par des gouvernements, des institutions, des individus qui décident vers quel pays ira leur argent. Or, il existe aussi des financements « flexibles », comme une partie de ceux versés par la Belgique, et c’est à nous de décider où va cet argent.

L’Ukraine ne doit pas avoir le monopole de l’aide internationale ?

J’étais en Ukraine au mois de juin. J’ai rencontré plusieurs familles dont la maison avait été complètement détruite. J’ai rencontré des femmes au Niger il y a un an, le lendemain du jour où elles ont dû fuir leur village. Au Congo, la situation est la même : des gens fuient leur village parce qu’ils sont attaqués. Que ça soit dans les yeux de cette femme ukrainienne, dans les yeux de cette maman au Niger, dans les yeux d’un père congolais, la peur est exactement la même, et elle est universelle.

Comment peut-on améliorer la situation ?

Les visites, comme celle d’Antony Blinken il y a peu, vont jouer un rôle important. Les Américains sont un grand financeur du HCR, ils nous donnent énormément d’appui et on les remercie. On a besoin que des chefs d’Etat se rendent sur place, et se rendent compte de la situation. Nous avons besoin que l’aide des gouvernements atteigne au moins 0,7 % de leur produit intérieur brut (PIB), parce que dans certains pays, on est à 0,2 ou 0,3 % (la Belgique est à 0,46 % en 2021, NDLR). Cela ne changerait pas grand-chose pour la population des pays concernés, mais pour nos missions, la différence est énorme

Par Gédéon Ngango

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