Selon l’analyse du journaliste congolais Jean-Jules LEMA LANDU, présentement réfugié en France, l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Kabila, est « sous l’emprise de la peur ».

La République léguée par Kabila ressemble au vaste empire laissé par Alexandre le Grand (IVe s. av. J.-C.). Après la mort de ce dernier, l’empire hellénique subsistera pendant presque trois siècles, avant sa chute face aux Romains. L’après-Kabila risque de durer longtemps. Des décennies, peut-être, si les Congolais n’ouvrent pas l’œil. Et le bon !

A ce propos, Machiavel donne une explication simple : le conquérant grec laissa à la tête de l’Etat des corrompus, ses obligés, arrivés tous au premier cercle du pouvoir par sa grâce. Ils s’organisèrent pour préserver la survie de l’Etat, surtout, et, partant, celle de leurs intérêts.
L’après-Kabila fusionne, presque, avec cette configuration. Le « raïs » – c’est le surnom de gloire qu’il s’est affublé -, régnait en empereur. Un vrai dictateur, le centre autour duquel tout tournait. Quiconque jouissait d’une responsabilité au sommet de l’Etat ou aux échelons suivants, c’était par sa grâce. La culture du culte de la personnalité, forgée à travers le régime Mobutu, y avait pris des dimensions on ne peut plus médiévales.
Si l’après-Alexandre le Grand s’est effectué sans un successeur connu, il n’en est pas de même pour l’après-Kabila. Ici, le successeur est bien connu ; il porte de nom de Tshisekedi, élevé à ce rang par la grâce du « raïs » et non par la vertu des urnes, puisqu’il s’agit d’une République. Ce fait a ajouté à la teneur de la corruption morale et matérielle, qui gangrène le pays depuis près de vingt ans.

VASSAL DU RWANDA ET DU BURUNDI

Une autre comparaison s’impose. Celle-ci s’applique au niveau du « pacte », passé entre Kabila et Tshisekedi. Pacte qui ressemble à cet accord historique intervenu entre Guillaume d’Ockham, philosophe, écrivain (XIVe s.) et un monarque de Bavière, en Allemagne. Poursuivi pour hérésie, le philosophe va naturellement chercher refuge auprès du souverain, qui n’est pas en odeur de sainteté avec Rome. L’homme des lettres proposera donc au roi, par cet aphorisme resté depuis célèbre : « Tu me défendras par l’épée, je te défendrai par la plume ». Marché conclu.

Joseph Kabila

C’est donnant-donnant. Quels sont les termes de l’échange, en transposant cette image, de l’accord ainsi élaboré entre Kabila et Tshisekedi ? Quelque chose qui a le goût d’un « contrat léonin ». Car l’ex-président Kabila y a qualité de vrai seigneur, détenant l’impérium, tandis que l’autre Tshisekedi, y jouissant du statut de faire-valoir. Au départ, en janvier 2019, le doute s’immisçait encore en cela dans les esprits. Mais, à l’épreuve du temps, les faits ont permis l’éclatement de la vérité. Et il y a, à ce sujet, à boire et à manger. On n’en retiendra cependant qu’un exemple, pour preuve : il aura fallu neuf mois pour arriver à la formation du premier gouvernement, et sept autres pour le second, en fonction depuis le mois d’avril. Kabila en bloquait l’issue, avant d’avoir confirmation sur la solidité de son « filet de sécurité ».

Pourtant, l’analyse de fond révèle qu’en dépit de sa position de force, Kabila n’en menait pas large ; il a été constamment, dès le début de leur aventure, sur le qui-vive et sous l’emprise de la peur. Davantage Il le reste, d’ailleurs. Peur du monde, peur de l’avenir. Sinon, il se serait sauvé dans un des paradis fiscaux, et à l’aide de ses milliards tâcher de s’y construire une citadelle inexpugnable. Quant à Tshisekedi, tel le mouton de Panurge, il se consacre à jouer son rôle : obéir, museaux plongés dans la mangeoire. Sans plus. Au grand dam de ceux qui espéraient le voir, un jour, se transformer en « Le Petit Poucet » (conte appartenant à la tradition orale française), afin de sortir son pays de l’occupation étrangère et de la misère.

C’est entre ces deux pôles que se joue le destin de tout un peuple, depuis trois ans. D’un côté, la peur bleue de Kabila, cramponné aux rênes du pouvoir comme sur une bouée de sauvetage et, de l’autre, l’irresponsabilité de Tshisekedi, en phase avec sa position de faire-valoir. Tout ce qui suit est la conséquence logique de cette réalité politique, autant inédite que dommageable pour le peuple. Citons, en résumé, quelques faits saillants : vraie-fausse rupture entre les deux partenaires ; construction de la nouvelle plate-forme politique dénommée « Union sacrée de la nation » : pure et simple diversion du peuple ; transhumance des députés d’obédience kabiliste, majoritaire, passant sans transition d’un bord à l’autre, pour former une autre nouvelle majorité au sein de l’Assemblée nationale, celle-ci étant en cours d’exercice parlementaire ; relations incestueuses  avec le Rwanda ainsi que l’Ouganda, se traduisant en posture de suzerains, d’un côté, et de vassal, de l’autre, etc. Oui, la RD Congo, ce grand et riche pays, devenue un vassal de ces deux petits pays voisins !

VIVE L’UNION « SECABLE » DE LA NATION !

Voilà pour la partie visible de l’iceberg. Elle cache, néanmoins, ce qui glisse d’entre les doigts du sens commun : les solidarités négatives entre les tenants du pouvoir tshisekediste et les caciques de l’ancien régime. Jusque-là, ils ne se sont jamais trahis. C’est, entre autres, on l’imagine bien, le secret qui donna lieu à la longévité de l’après-Alexandre le Grand. Kabila exploite, avec maestro, la même stratégie quand il fait réunir tout le monde, ou presque, au sein de l’Union sacrée de la nation, sous le contrôle bien évidemment de Tshisekedi. Dans le but de consolider pour toute la bande les liens d’appartenance à une même idéologie, à un même groupe d’intérêts. Pour que ces membres, finalement, puissent marcher la main dans la main, en flagrant délit de mensonge… selon leur ADN.

C’est bien beau toute cette description, dirait le sceptique, qui chercherait à y voir un lien entre tous ces éléments apparemment épars. Il n’aurait pas eu tort. Pourtant, le lien est simple à établir quand on résume ce propos par les sentiments de peur fantasmagoriques, qui habitent l’ex-président Kabila et tous ceux qui ont servi, avec lui, la République bananière : Ramazani Shadary, Thambwe Mwamba, Karubi Bin Kikaya… et tutti quanti. Le lien est aussi dans le questionnement sur l’incompréhension que le départ d’un dictateur de la trempe de Kabila ne soit suivi d’aucune sanction. Suivi de ce triptyque, fatal, qui succède à la chute de tout monstre antidémocratique : « Prison, Exil, au pire, Mort ».

On les voit tous, peinards, roulant des mécaniques, Kabila et toute sa cohorte corrompue. Ce qui compte, pour eux, c’est leur sécurité et la sauvegarde des butins engrangés. Le Rwanda et l’Ouganda peuvent exploiter toutes les richesses de l’est du Congo, et même annexer cette partie ; Kamerhe peut quitter sa prison, Tshisekedi et sa bande peuvent continuer à siphonner le fond du Trésor public… Pourvu que vive le Congo de Kabila, devant leur servir d’abri, à l’instar de l’après-Alexandre le Grand.
Mais cela n’empêchera pas que « la saison de peur » puisse continuer son cycle. L’enquête « Congo hold up » ajoutant inévitablement aux nouveaux fantasmes. Et « Kingakati », la citée barricadée où s’est retiré l’ex-président, ne représentant plus du tout un havre de paix. Ses résidents le savent. Le peuple aussi le sait pertinemment bien. Tout le monde sait également que le « pacte » Kabila-Tshisekedi avant « Union sacrée de la nation » égale à « Union ‘sécable’ de la nation », après.

Wab-infos.com

Avec WakatSera

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