Des milliers de Massaïs vivant à Loliondo, dans le nord de la Tanzanie, ont dû fuir leurs foyers après des confrontations avec la police le 10 juin, alors que le gouvernement veut transformer leurs terres en une réserve naturelle destinée au tourisme de luxe. Dans le passé, des heurts avaient déjà eu lieu dans la région entre le gouvernement et les Massaïs, qui considèrent qu’il s’agit de leurs terres ancestrales, révèle france24.com.

Des dizaines de Massaïs qui courent à travers un champ, alors que des tirs résonnent au loin : c’est ce que montrent des vidéos tournées le 10 juin dans la zone de Loliondo, une ville située dans le nord de la Tanzanie, près du parc national du Serengeti.

Zone de Loliondo

Le 3 juin, le ministère des Ressources naturelles et du Tourisme avait annoncé vouloir transformer 1 500 km² de cette zone en réserve, ce qui interdirait aux hommes d’y vivre. Selon des leaders massaïs, 70 000 personnes risquaient d’être expulsées.

Cette annonce fait partie d’un projet plus large de reclassification des terres dans la région, pour les protéger et y développer le tourisme, impliquant le déplacement de 80 000 Massaïs supplémentaires.

La police est arrivée dans la zone de Loliondo dès le 7 juin pour installer des balises, afin de délimiter l’espace devant être transformé en réserve et vidé de ses habitants. La zone est censée être louée à une entreprise de Dubaï spécialisée dans le tourisme de luxe et la chasse récréative pour les touristes fortunés des Émirats arabes unis.

Lemaiyan (pseudonyme) est un activiste massaï et un défenseur des droits de l’Homme, originaire de Loliondo. Il a fui la région après le 10 juin, bien qu’il n’était pas au village au moment des événements. Actuellement, il se trouve au Kenya, où il demande l’asile. Il témoigne sous couvert d’anonymat, pour des raisons de sécurité.

Le 10 juin, de nombreux policiers et des soldats sont arrivés dans notre village, d’après ce qu’on m’a raconté. Ils ont menacé tout le monde même les enfants et ont tiré en direction de la forêt. Ceux qui sont toujours là-bas ne peuvent plus rester dans leur maison. Après le 10 juin, ils ont commencé à passer leurs journées en brousse, et à retourner chez eux seulement à la nuit tombée. Mais actuellement, ils passent même la nuit en brousse, par peur des persécutions et des menaces.

Nous avons tenté de protester et d’empêcher que des balises soit installées sur nos terres. Nous avons essayé de réunir la communauté avec les leaders locaux. Nous avons aussi envoyé un rapport au gouvernement, proposant un modèle de fonctionnement qui nous aiderait à préserver la zone et notre bétail. En vain.

Massaïs

Des membres de la communauté massaïe à Loliondo, avec des messages disant :  » Stop à la saisie des terres de Loliondo« ,  » Les vies des Massaïs comptent « , et  » Nous n’avons nulle part où aller « .

Un témoin a indiqué au quotidien britannique The Guardian que la police avait tiré en direction des manifestants, détruit leurs biens et volé leurs bovins. Dix leaders massaïs ont également été arrêtés car ils s’opposaient à l’expulsion, et un policier a été tué.

Les Massaïs sont des gardiens de troupeaux nomades, originaires du sud du Kenya et du nord de la Tanzanie. Dans le passé, ils s’étaient déjà heurtés au gouvernement tanzanien sur la question des terres. En 2017 par exemple, le gouvernement avait déjà expulsé ceux vivant dans la zone de Loliondo censée être transformée en réserve. À l’époque, 6 800 personnes s’étaient retrouvées sans logement. Elles avaient ensuite fait appel et avaient pu retourner chez elles.

De son côté, le gouvernement a rejeté à plusieurs reprises les accusations selon lesquelles il forcerait les Massaïs à quitter leurs terres.

« La conséquence, c’est l’extinction de notre peuple »

Selon Lemaiyan, le gouvernement n’a pas proposé de solution aux personnes vivant sur les 1 500 km² censés être transformés en réserve. Au-delà de la question des terres, il estime que c’est la survie même du peuple massaï qui est en jeu.

Nous avons vécu ici durant des décennies, c’est là que nous faisons paître nos bêtes et coexistons avec la nature. Comment peuvent-ils chasser les gens et devenir les ennemis de la nature et du bétail, et s’attendre malgré tout à avoir des touristes ?

Par Gédéon Ngango

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