C’est un reportage de la RTI qui a fait découvrir l’histoire étrange d’un bouc qui est le chef d’un village de Ferkessédougou (nord de la Côte d’Ivoire), précisément Nabankaha. L’historien Yamoussa Coulibaly donne des explications sur la chefferie animalesque en pays sénoufo.

Le silence vaut mieux qu’une mauvaise parole.

Mais une superbe parole vaut mieux que le silence. Un reportage réalisé par la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) sur un élément relativement méconnu des téléspectateurs et des internautes a donné lieu à une pléiade de commentaires.Il s’agit de la  » chefferie villageoise animalesque  » de Nabankaha dans la région du Tchologo (Ferké). Cette chefferie, relaie l’élément vidéo est assurée par un bouc. Sacrilège pour nos alliés ! C’est le fouet à double lanière pour nous (Sénoufo) frapper.

Rappelons pour mémoire que dans la cosmogonie sénoufo, on estime que kolotcholo ou Dieu a créé les végétaux et les animaux avant les êtres humains. Pour les anciens sénoufo, ces êtres sont chargés de pouvoirs positif et négatif. Pour ce qui est des animaux, il suffit d’aller dans la région de la Bagoué à Boundiali pour s’en convaincre. Les noms patronymiques sénoufo originels sont des appellations animalesques dans cette contrée.

Biélé qui veut dire lièvre.Ponon qui veut dire chien .Ziao qui signifie buffle .Sika qui signifie cabri (chèvre/ bouc). Ainsi donc dans la société traditionnelle sénoufo, l’animal dont le nom est porté devient un totem alimentaire (yafoungo) .Si le porteur du nom de l’animal vient à violer cette règle en consommant sa chair , l’animal en question le hante. Il devient le yawig. Pour conjurer le sort des sacrifices doivent être exécutés.

Si le nom de l’animal est porté comme un prénom. Alors cet animal a été victime de la  » méchanceté » des ancêtres du porteur du prénom. C’est le cas des prénoms comme kazié ( ka signifie ici cabri et zié , le prénom ordinal attribué au prénom garçon ). Quand le nom de l’animal est porté comme patronyme , il faut y voir sa valeur positive.

Dans une de ses études , le Professeur Ouattara Tiona précise que les Sénoufo ont commencé à s’attribuer les appellations animalesques depuis le paléolithique supérieur (10000 et 3000 ans avant Jésus Christ). De même que des objets sont sacralisés chez les Sénoufo , des animaux le sont .Dans ce cas , ils en deviennent des protecteurs de l’espace (village ) ou de la famille. C’est le cas du bouc rendu célèbre. Nous irons le rencontrer d’ailleurs s’il plaît à l’Éternel.

Dire que le chef du village est le bouc montre clairement que cet animal n’est pas comme les autres. D’ailleurs des cas existent un peu partout en Côte d’Ivoire .On peut citer les singes sacrés de Soko. Aussi est-il intéressant de noter qu’entre nos expressions africaines et leur simulacre de traduction en Français , il y a des inadéquations.

HAMPATE BÂ l’avait compris lorsqu’il estimait qu’il préférait s’exprimer en Peul qu’en Français  car en langue étrangère , il ferait simplement un essai de traduction. Nous sommes fiers de notre bouc , cet animal sacré qui montre combien l’Afrique doit être cernée .Le berceau de l’humanité est un mystère . Chaque jour , on y apprend juste un peu plus sur lui.

Vive notre célèbre bouc , le Seigneur des Wê , des Dan , des Koyaka , des Mahouka , des Lobi , des Peul , des Koulango , des Abron etc . (la liste n’est pas exhaustive).Celui qui a la morbide idée de porter atteinte à l’existence de ce  » chef » se retrouvera ailleurs ( expression ivoirienne ). On se comprend bien. Ce ne sont pas tous les choukouya , on mange.

Par Gédéon Ngango

Avec afriksoir.net

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