Sous couvert d’activités d’une organisation non gouvernementale, des sujets rwandais et leurs complices congolais ont tenté d’infiltrer la haute sphère du pouvoir à Kinshasa pour l’espionner. Leur réseau a été démantelé par les services congolais de sécurité. Les dessous de l’affaire.

Une histoire vraie mais digne d’un roman d’espionnage. Nous sommes à Kinshasa, le jour se lève à peine en cette matinée du mardi 30 août 2022. Au centre-ville de la capitale congolaise, l’Immeuble dit « Interpol », qui toise le boulevard du 30 juin en diagonal de « l’Immeuble intelligent », siège du Gouvernement congolais, se réveille sous secousses. Une dizaine de véhicules et une pluie d’éléments de la police nationale et de services de sécurité font irruption et encerclent les lieux. D’autres entrent dans l’immeuble. Ils se dirigent vers le 14ème niveau, précisément à l’appartement numéro 25. Une dizaine de minutes plus tard, renseignent des témoins, la tension monte. Le groupe d’agents de l’ordre traine avec lui trois individus menottés, sous saccades. Un boucan s’ensuit. Des échanges musclés entre ces derniers et des policiers. « C’était assez chaud. Nous avons trouvé ses affaires apprêtées, l’appartement n’avait presque plus rien à l’intérieur. C’est comme s’ils se préparaient à lever le camp », témoigne une source sécuritaire.

Le lendemain, une autre perquisition a lieu, du côté du camp Luano, dans la commune de Ngaliema. Un homme est arrêté, sous les regards de quelques témoins sur place. Ces scènes restent anodines pour beaucoup. D’autant plus qu’aucune information ne filtrera. Il faudra attendre plus de trois mois pour avoir des nouvelles. Et c’est du côté de la radiotélévision nationale que l’opinion publique congolaise sera informée. Le mardi 27 décembre 2022, les services de Patrick Muyaya, Ministre congolais de la communication et des médias, convoquent la presse à la conférence hebdomadaire, que l’on veut cependant « spéciale » cette fois. 

« Une énorme nouvelle arrive », confiera un de des proches du Ministre. Face à la caméra, trois hommes font irruption. Non pas le Ministre Muyaya, mais le Vice-Ministre Jean-Claude Molipe Mandongo, qui représente alors le Vice-Premier Ministre de l’Intérieur Daniel Asselo Okito Wankoy. 

Aux côtés du Général Sylvain Ekenge, Porte-parole de l’armée congolaise, et du Colonel Pierrot Mwana Mputu, Porte-parole de la Police Congolaise, le Vice-Ministre Jean-Claude Molipe Mandongo fait une annonce fracassante : « Nous sommes en face d’un cas d’espionnage des services rwandais opérant à Kinshasa », a-t-il déclaré, ajoutant par ailleurs que ce fameux réseau a été « détecté et démantelé » par les services congolais de sécurité, lesquels ont fait « un joli coup de filet ».  Quatre personnes sont présentées au public à travers une vidéo retransmise en direct. Deux citoyens rwandais, Juvénal Nshimiyimana Biseruka, 58 ans et Moses Murokore Mushabe, 33 ans ; puis deux Congolais, Rémy Nganji Nsengiyumwa alias Djuma, 42 ans et le colonel Santos Mugisha Ruyumbu, 42 ans. Les espions identifiés, explique le Vice-Ministre congolais de l’Intérieur, agissaient sous la couverture d’un ONG de développement dénommé « African Health Development Organization », en sigle AHDO. 

Juvénal Nshimiyimana Biseruka est présenté comme « Responsable RDC » de l’ONG « AHDO ». Selon nos informations, il est « la plaque tournante » de cette affaire. « A la tête de son ONG, il aurait alors tenté d’infiltrer des personnalités congolaises, à l’aide de ses complices », renseigne le Général Sylvain Ekenge, Porte-parole de l’armée congolaise. L’homme a avoué disposer de deux nationalités dont rwandaise et suisse, affirmant par ailleurs être venu en RDC depuis 2012 comme « Fonctionnaire international » dans l’agence des nations unies consacrée à la lutte contre le SIDA (ONUSIDA). 

« Il disparaîtra pour réapparaitre en RDC en 2018, avec la démarche de son ONG », explique le Général Ekenge. Aux autorités congolaises, Juvénal Nshimiyimana prétendra que son ONG serait basé à Genève en Suisse, depuis sa création en 1989. « Il a reconnu d’avoir hébergé ses deux autres complices dans son appartement, en plus du fait d’avoir acheté une concession de terres de 50 hectares au village de Kipolo, à 300 mètres d’altitude, avec une vue sur l’aéroport international de N’djili et sur des différents sites stratégiques dont le Centre d’entraînement de l’Armée à Kibomango », explique le Général Epenge. 

Toutefois, plusieurs sources diplomatiques à l’Ambassade de Suisse ont précisé à POLITICO.CD que l’ONG AHDO n’est pas une organisation de droit Suisse. Par ailleurs, l’ensemble des activités de cet organisme ne concerne que la RDC, d’après son propre site internet. Ce même site internet (son domaine) est créé en 2019 pour expirer en 2023, soit exactement la durée du mandat du Président Félix Tshisekedi. En outre, toujours selon son propre site internet, l’ONG n’a eu d’activités que durant l’année de son agrément, c’est-à-dire en 2020. 

 Les activités qu’ils ont réalisées en tant qu’ONG ne se situent qu’entre août et octobre 2020. Et l’on observe bien les faits après la tournée d’implantation, l’on constate que les deux rwandais sont rentrés à Kigali sous prétexte d’une réunion pour envisager une collaboration. Depuis, plus rien. Ce fut visiblement des activités occultes qui n’ont rien avoir avec l’ONG. Les enquêteurs y travaillent. Mais les indices sont sérieux », renseigne une source gouvernementale à POLITICO.CD. L’organisation de Juvénal Nshimiyimana a plusieurs antennes à travers la RDC, notamment les provinces du Nord-Kivu avec 17 zones de santé, du Sud-Kivu avec 6 zones de santé, du Kasaï avec 13 zones de santé couvertes, du Kwilu avec 12 zones et du Kwango avec 14 zones. 

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