Le désormais ex-conseiller privé de Félix Tshisekedi a passé sa première nuit à la Prison de Makala. Présenté devant un juge vendredi après-midi au Parquet près la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe, il a été auditionné pendant environ six heures.

Cette arrestation s’est réalisée après environ une semaine de détention dans les locaux de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR). Soupçonné d’espionnage au profit du régime de Paul Kagame, selon les sources concordantes. Le Rwanda a une pratique de donner des passeports à ses prestataires étrangers discrets.

Biselele Fortunat est officiellement placé sous mandat d’arrêt provisoire. Sa résidence avait été perquisitionné  et plusieurs effets saisis. C’est l’homme de toutes les rencontres relatives au processus de paix entre Kinshasa et Kigali.

Un « passeport rwandais » de Bifort en cours de validité

Selon plusieurs sources sécuritaires, des agents de l’ANR ont perquisitionné les domiciles de Bifort à Goma et à Kinshasa, ce que dément toutefois la famille de l’intéressé. Les services de sécurité seraient également tombés sur un passeport rwandais en cours de validité. Les agents congolais ont également saisi des téléphones et ordinateurs de l’ex-conseiller privé. Leur analyse technique aurait mis au jour des éléments prétendument compromettants sur sa relation avec Kigali.

Bifort est suspecté de collusion avec le pouvoir rwandais de Paul Kagame. Autrefois cadre de la rébellion du RCD (Rassemblement du Congo pour la démocratie) soutenue par le Rwanda, qui l’a formé au renseignement, il a mis à profit cette relation pour tenter de rapprocher Kinshasa de Kigali au début du mandat de Tshilombo. On lui prête une certaine proximité avec le numéro 1 du renseignement rwandais, le général Joseph Nzabamwita, et l’un des conseillers de Kagame, Patrick Karuretwa. Ses bonnes relations avec Kigali ont toutefois pâti de son rôle dans la tentative de rapprochement fin 2021 avec l’Ouganda de Yoweri Museveni.

Alors que le Tout-Kinshasa bruissait de rumeurs sur les liens de Bifort avec le régime de Kagame, Félix Tshisekedi est longtemps resté sourd aux évaluations des risques émises par ses propres responsables des services. A commencer par celles exprimées par François Beya, son ancien chef du Conseil national de sécurité (CNS) qui, après avoir voulu empêcher une affaire de Bifort, s’est retrouvé accusé de complot contre le chef de l’Etat.

Plusieurs millions de dollars américains saisis dans la résidence de Biselele

D’importantes sommes d’argent en espèces – de l’ordre de plusieurs milliers de dollars – auraient été retrouvées dans sa luxueuse maison à Kinshasa, près du palais de Marbre, dans la commune de Ngaliema. Si les comptes bancaires congolais de Bifort sont étonnamment crédités de quelques centaines de milliers d’euros seulement, c’est que le conseiller privilégie le cash, selon des sources de l’ANR. Notons que les comptes en banque de certains conseillers du président sont passés au crible en RDC due à l’affairisme au sommet de l’Etat dénoncé par Antony Blinken, le secrétaire d’État américain.

Bifort, « un interlocuteur incontournable des opérateurs économiques et miniers »

Le puissant conseiller de Felix Tshilombo était qualifié de « roi des contrats miniers » dont les pratiques ont été relevées dans l’affaire Vidiye Tshimanga.

Plusieurs sociétés minières , dont Sicomines, société à capitaux majoritairement chinois évoquent des difficultés à composer avec certaines autorités et à satisfaire les demandes financières de conseillers présidentiels. Parmi les personnalités citées : l’ambassadeur itinérant du chef de l’Etat, Dany Banza, Bifort et JCK. Ce dernier s’est immiscé, avec Bifort, dans la plupart des grands dossiers d’affaires, s’imposant comme un interlocuteur incontournable des opérateurs économiques.

Par Gédéon Ngango

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