Dès octobre 2020, la présidence de Félix Antoine Tshisekedi a accueilli pendant près de quatorze mois, à Kinshasa, une délégation de membres importants du M23. Chargé de négocier les modalités de leur reddition, l’ex-vice-premier ministre Gilbert Kankonde Malamba avait sollicité un fonds d’1,3 million de dollars pour mener à bien sa mission.

Depuis l’intensification, en avril, des affrontements entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et celles du M23, le gouvernement congolais a fermé la porte à toute négociation avec le mouvement rebelle, le qualifiant à plusieurs reprises de « terroriste ». La présidence de Félix Tshisekedi à qui affiche désormais sa fermeté alors que les troupes du M23 contrôlent une portion du Nord-Kivu et approchent dangereusement de Goma, avait pourtant accueilli à Kinshasa, entre octobre 2020 et fin 2021, une délégation de membres de premier plan du M23.

Félix Tshisekedi

Leur présence, qui avait été relayée par des responsables du mouvement rebelle ou des officiels rwandais, n’a jamais été confirmée ou commentée par les officiels congolais. Elle apparaît pourtant noir sur blanc dans un courrier envoyé le 2 février 2021 au président Félix Tshilombo par Gilbert Kankonde Malamba, l’ex-vice-premier ministre chargé de l’intérieur, de la sécurité et des affaires coutumières.

La reddition de « 6 000 éléments du M23 »
Consulté par Africa Intelligence, le document mentionne cette délégation – sans préciser sa composition et indique qu’elle « séjourne à Kinshasa depuis le mois d’octobre 2020 ». Trois individus en faisaient partie : Lawrence Kanyuka, conseiller politique et porte-parole du mouvement, Bosco Mberabagabo, dit « Castro », chargé de la sécurité et du renseignement, et une autre personne dont l’identité demeure sujette à caution.

Dans sa missive au chef de l’Etat, Gilbert Kankonde affirme avoir établi avec eux « une feuille de route dont l’issue convenue est la reddition totale de près de 6 000 éléments du M23 ». Pour mener à bien cette reddition, l’ancien vice-premier ministre (qui sera remplacé en avril 2021 par Daniel Aselo Okito) réclame à Félix Tshilombo un délai supplémentaire de neuf mois, ainsi que la mise à disposition d’un peu plus de 1,3 million de dollars – probablement destinés à couvrir les besoins logistiques pour la démobilisation et le rapatriement des combattants.

Une feuille de route avec la frange Runiga
Les trois hommes sont repartis de la capitale congolaise à la fin de l’année 2021, au moment où les premières escarmouches entre les FARDC et le M23 ont été signalées dans le territoire de Rutshuru. Du côté des rebelles, on affirme que les discussions ont capoté alors que la délégation n’avait pas posé de conditions à leur reddition. Contacté par Africa Intelligence, Gilbert Kankonde n’a pas donné suite à nos questions.

En 2019, dès le début de son mandat, Félix Tshisekedi avait tenté de solder la question du M23. Au mois de juillet, il avait missionné une délégation à Kigali pour rencontrer des responsables de la frange dissidente du mouvement emmenée par le « bishop » Jean-Marie Runiga, celle-ci est cantonnée à Kibungo au Rwanda depuis son éviction en 2013. Les échanges entre les deux parties avaient déjà débouché sur la formalisation d’une feuille de route, signée le 28 octobre 2019, pour le rapatriement en RDC des ex-combattants du M23 présents en RDC. Ce document prévoyait l’intégration militaire et politique, ainsi que l’amnistie des membres de la formation.

Après avoir vainement tenté de négocier par de multiples canaux, la présidence congolaise et le M23 ont tous deux privilégié l’usage de la force. Au risque de bouleverser un peu plus encore le fragile équilibre dans la région des Grands Lacs.

Par Gédéon Ngango

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