Pourquoi les mois ne se composent-ils pas de trois semaines de dix jours, par exemple ? Ou de six semaines de cinq jours ? Voici l’histoire de notre semaine de sept jours, de ses origines à sa fonction sociologique.

Vous êtes vous déjà demandé pourquoi notre calendrier ressemble à ça ? Si l’année est calquée sur le rythme des saisons et nos journées sur celui du Soleil, qu’est-ce qui rythme nos semaines ? Depuis quand et pourquoi partageons-nous les mois en quatre semaines de sept jours ? Nous avons posé ces questions à un historien, une archéologue et un sociologue pour décrypter l’origine de notre semaine.

D’un point de vue culturel, en regardant notre calendrier on remarque vite l’influence de la religion chrétienne : Saint-Sylvestre, Saint-Antoine, Sainte Philomène, etc.

Depuis les débuts du christianisme, l’Église est la maîtresse du temps. Par son clocher, c’est elle qui scande les heures, rythme la semaine des travailleurs, invite à la prière et appelle au repos dominical. Longtemps elle a été la détentrice du calendrier.

Il est vrai que dans la culture médiévale à partir du haut Moyen Âge, ils sont toujours présents dans tous les livres religieux. Sacramentaires, bréviaires, psautiers… tous ces livres-là sont précédés d’un calendrier parce que le temps appartient à Dieu. Jean-Claude Schmitt, historien et directeur d’études à l’EHESS.

D’ailleurs, d’après le livre de la genèse « Dieu créa la Terre en six jours et le septième il se reposa ». De là, découle l’importance de la semaine de sept jours, mais il ne s’agit pas que de la semaine …

Le chiffre 7 revêt une dimension symbolique forte. On le retrouve dans plusieurs principes religieux :
-Les 7 péchés capitaux et les 7 vertus
-Les 7 dons du Saint-Esprit
-Les 7 sacrements

Dans la culture chrétienne et médiévale en particulier, le système des sept jours sert de modèle à d’autres. On pense les rythmes de l’ensemble de la culture de la société en fonction du système numérologique, numérique et ce septennaire l’emporte très largement notamment au XIIe et XIII siècles, on parle de triomphe du septénaire dans l’ensemble du système moral, liturgique, etc. Jean-Claude Schmitt, historien et directeur d’études à l’EHESS

Mais la symbolique du 7 n’appartient pas à la chrétienté, elle est présente dans d’autres religions comme le judaïsme, l’Islam ou l’hindouisme et les plus anciens exemples remontent aux toutes premières traces de l’écriture, à l’époque babylonienne.

Aux origines babyloniennes

C’est très difficile de déterminer quand on a commencé à déterminer un laps de temps qui durait effectivement sept jours. Mais peut-être peut-on commencer par dire que dans le Proche Orient ancien d’après les textes cunéiformes qui ont été retrouvés en Mésopotamie, c’est-à-dire en Irak, en Syrie, le nombre sept était un nombre symbolique fort. Je pense qu’une des premières attestations d’une référence à sept jours se trouve dans la fameuse épopée de Gilgamesh. Cécile Michel, archéologue et assyriologue

C’est la plus ancienne des histoires de l’humanité que nous connaissons, écrite au IIe millénaire avant notre ère sur des tablettes d’argile, elle est peut-être à l’origine de la symbolique du chiffre 7.

Gilgamesh, roi tyran qui régnait sur la ville d’Uruk, veut devenir immortel. Il entreprend alors un grand voyage pour rencontrer Uta-napishti. À peine arrivé, celui-ci le met au défi de ne pas se reposer mais épuisé par son voyage Gilgamesh s’endort. Tous les jours la femme d’Uta-napishti lui apporte une miche de pain.  Au septième jour Gilgamesh se réveille et affirme ne pas avoir dormi mais les sept miches de pain, de la plus rassie à la plus fraîche, lui prouvent le contraire.

Mais est-ce que cette légende nous permet de dire que la semaine de sept jours existait déjà à l’époque babylonienne ? Il faut fouiller le plus vieux calendrier connu à ce jour pour en avoir le cœur net. À l’époque chaque mois commençait avec la nouvelle Lune.

Ce sont des textes qui datent du XIXe siècle avant Jésus-Christ donc il y a 4 000 ans. Ces textes appartiennent à des archives privées de marchands assyriens. Dans ces textes les prêts sont datés en général par un mois, éventuellement une année et par quelque chose qu’on appelle la « hamuštum ». Cette semaine, nous on traduit par semaine, est plus petite que le mois, plus petite que les 15 jours. Cécile Michel, archéologue et assyriologue

En essayant de comptabiliser le nombre de semaines sur plusieurs mois, les archéologues ne tombaient pas toujours sur le même chiffre. Selon certains modes de calcul les hamuštum étaient constituées de cinq jours, ce qui semble logique vu l’origine sémitique de hamuš = cinq. Mais d’autres calculs mettaient en avant des hamuštum de six, sept ou huit jours. Jusqu’à ce qu’une découverte mette tout le monde d’accord.

Notre plus vieux calendrier connu
On a retrouvé une tablette. Ces semaines, les hamuštum, portaient le nom des marchands et on a découvert une tablette cunéiforme qui liste ces paires de marchands qui donnent leurs noms à une semaine sur 52 hamuštum. Et on s’est dit 52 hamuštum ça marche bien pour des semaines de sept jours donc pour ces marchands assyriens à cette époque-là on a effectivement une division du temps qui utilise la semaine de sept jours. Ces marchands faisaient beaucoup de prêts, de prêts à intérêts et donc il fallait dater les prêts dans les textes pour voir à partir de quand l’intérêt pouvait commencer à courir. Cécile Michel, archéologue et assyriologue

Sur des tablettes d’argile on retrouve aussi des références aux cycles lunaires, à la visibilité du croissant de Lune. L’observation du ciel même si elle se faisait à l’œil nu avait une importance capitale pour nos ancêtres, ils pouvaient interroger les astres pour partir à la guerre ou les utiliser pour se repérer dans le temps .


Par exemple on peut dire : « Je suis allée faire quelque chose, c’était trois jours après la pleine Lune ». Et donc, je pense que cette semaine de sept jours est calée sur les phases de la Lune, sur les quartiers de la Lune. Et c’est là, la plus ancienne attestation que l’on aurait de la semaine de sept jours. Cécile Michel, archéologue et assyriologue

Cette preuve de l’existence ancienne de notre semaine de sept jours ne signifie pas pour autant que ce rythme était partagé par tous, d’autres calendriers ont existé en même temps, dans d’autres parties du monde mais ces marchands assyriens, grands voyageurs, nous ont transmis leur calendrier. En arrivant en Anatolie, où il n’y avait pas encore d’écriture, ces marchands ont emporté avec eux la semaine de sept jours .

Ils ont diffusé leur culture, quelques mots que l’on retrouve en hébreu et leur calendrier qui s’est transmis de peuple en peuple, d’époque en époque de région en région.

Une fois qu’on a ce rythme qui provient de l’astronomie babylonienne et qui a été transmis ainsi aux Grecs, des Grecs aux Romains, aux Arabes et entre-temps naturellement, toute la civilisation chrétienne médiévale avait adopté ce rythme. Jean-Claude Schmitt, historien et directeur d’études à l’EHESS

La semaine de sept jours est celle utilisée par la plupart des habitants de la planète• Crédits : Getty
Aujourd’hui, s’il paraît impossible d’envisager un autre cycle, c’est que d’un point de vue sociologique la semaine est devenue primordiale. C’est elle qui nous permet de nous organiser collectivement et socialement.

On a dans les semaines deux temps très différents. On a le temps ordinaire, ou le temps de la semaine, qui est le temps routinier, le temps de travail. Et puis le temps du week-end qui est le temps extraordinaire , le temps différent, le temps de repos. Quand on est passé aux sociétés industrielles et urbanisées, un peu rapidement au XIXe siècle, la semaine s’est imposée comme le rythme majeur de la quotidienneté. Benoît Hachet, sociologue, auteur de « Une semaine sur deux »

Et si le cycle de la semaine a si bien été adopté, c’est qu’il est apaisant pour l’homme et peut-être même indispensable.

La semaine nous évite d’avoir cette impression effrayante d’une fuite infinie de jours. Donc il doit y avoir aussi des raisons cognitives ou psychologiques d’invention de la semaine qui sont très utiles ne serait-ce que pour ne pas avoir peur de l’infinité de jours qui se succèdent les uns les autres. Benoît Hachet, sociologue, auteur de « Une semaine sur deux »

Peut-être que finalement, nos semaines existent tout simplement pour nous aider à supporter le temps qui passe.

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