La Corée du Nord annonce un 6e essai nucléaire « réussi ». L’explosion a été relevée par les réseaux sismiques. Mais comment différencier un séisme classique des secousses engendrées par un tir ? Explications.
Dimanche 3 septembre 2017, la Corée du Nord annonce un nouvel essai nucléaire. Cette fois-ci les agences géologiques américaine et japonaise ont enregistré un signal équivalent à celui d’un séisme de magnitude 6,3, provenant du site d’essais nucléaires de Punggye-ri. Cette fois-ci les experts s’accordent sur le fait qu’il s’agit bien d’une bombe H, preuve que Pyongyang a acquis la maîtrise de cette technologie. Il s’agit du 6ème essai.
Il y a un an tout juste la Corée du Nord annonçait avoir réalisé un 5e essai nucléaire « réussi » la corée du Nord annonçait avoir réalisé un 5e essai nucléaire « réussi ». En janvier 2016, quelques jours après le 4e essai nucléaire nord-coréen, de nombreux spécialistes émettaient des doutes sur la nature de la bombe présentée comme une bombe à fusion, une bombe H : le célèbre physicien américain Michio Kaku avait tiré en premier, affirmant sur son compte Tweeter qu’il n’y croyait pas, au vu de l’énergie dégagée qu’il a jugé bien trop faible.
Les différents réseaux de sismomètres déployés à travers le monde enregistrent, outre les secousses sismiques dues à l’activité tectonique de la planète, les explosions. L’essai nucléaire nord-coréen de janvier 2016 a donc bien été enregistré par les réseaux sismologiques mondiaux dont le réseau français Geoscope. « La station de Mudanjiang en Chine –gérée en commun avec le réseau de l’USGS (le centre américain de veille géologique) et de IRIS (le réseau mondial inter-Institutions)– a enregistré un signal (ci-dessus) en provenance de la Corée du Nord », expliquait alors à Sciences et Avenir Eléonore Stutzmann, responsable de l’équipe de sismologie à l’Institut de physique du Globe de Paris. « Il provenait d’un point situé à 370 kilomètres dans le nord-est du pays, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Kilju, soit tout près du site d’essais nucléaires de Punggye-ri ».
Ce signal peut être comparé avec celui d’un séisme survenu au Japon enregistré par la station INU du réseau Geoscope situé à une distance de 238 km.
Deux types d’ondes générés par un séisme
Que peut-on dire de ces deux enregistrements ? Pour comprendre, un petit rappel : un séisme génère deux types d’ondes, P pour première et S pour secondaire. Les ondes P compriment et dilatent tour à tour le terrain parallèlement à la direction de propagation des ondes, tandis que les ondes S cisaillent le milieu perpendiculairement à la direction de propagation, comme le montre l’animation ci-dessous :
© Damien Hypolite
Or, la signature des tremblements de Terre n’est pas identique à celle des déflagrations, et c’est même ainsi que les essais nucléaires ne passent pas inaperçus. « Pour une explosion, les ondes P sont majoritaires, explique Eléonore Stutzmann. C’est ainsi que l’on peut annoncer qu’il s’agit d’un évènement sans lien avec l’activité sismique de la planète. En comparant les deux signaux on remarque bien que dans le cas d’un séisme les ondes P disparaissent très vite au profit des S. Tandis que pour une explosion , les P continuent à affluer ».
La raison est liée à la « source », c’est-à-dire le point ayant généré ces vibrations. L’onde de compression liée à une explosion grossit à la manière d’une sphère qui enfle, comprimant et dilatant tour à tour le matériau, donc générant uniquement des ondes P. Rien de similaire pour un tremblement de Terre provoqué par la rupture d’une faille sismique, où un bloc d’une couche géologique glisse sur l’autre, à l’origine des ondes Pet S (voir animation ci-dessous).
© Damien Hypolite
SIGNAL. A la lumière des enregistrements, on pouvait donc affirmer en janvier 2016 que la Corée du Nord avait bel et bien fait exploser « quelque chose ». Mais le reste n’est que suppositions : en effet la magnitude –qui est une mesure de l’énergie libérée– montre que l’explosion du 6 janvier est équivalente en énergie libérée à un séisme de magnitude 5,1… ce qui est bien trop faible. Par ailleurs le signal relevé par l’USGS est très similaire à ceux des derniers essais qui étaient présentés comme des bombes A (ci-dessous). Cette fois-ci la magnitude élevée correspond bel et bien à une bombe H.
Sur la piste des neutrons issus de la fusion
Pour Jean-Marie Collin, expert défense, chercheur associé au Grip (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité ) et directeur de France Parlementaires pour la Non-prolifération Nucléaire et le Désarmement, interrogé quelques jours après le 4e essai par Sciences et Avenir, « il semble peu probable que la Corée du Nord ait acquis la maîtrise de cette technologie très compliquée de la bombe H, en un temps très court, puisque son premier essai nucléaire une bombe A, date d’octobre 2006″. Il faudra sans doute attendre encore que « les avions équipés de filtres puissent récupérer des particules de radioéléments caractéristiques d’une bombe Hdisséminées ans l’atmosphère ». Les neutrons issus de la fusion (bombe H) sont sept fois plus énergétiques que les neutrons générés par la fission (bombe A) et forment ainsi d’autres radioéléments comme les isotopes du xénon. Il faut donc patienter encore pour confirmer la nature de ce 6ème essai.
@Ricoeur-Suave
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