L’Ukraine et la Russie, en guerre depuis février 2022, célébraient samedi la fête du Noël orthodoxe. À Tchassiv Iar, près du front, des habitants se sont rassemblés dans une cave plutôt qu’à l’église située au bout de la rue, de peur des bombardements. Il ne reste que neuf fidèles sur une congrégation d’une centaine de personnes, qui ont fui la ville.
Les tirs d’artillerie retentissent à l’extérieur et des avions se font entendre. Mais des habitants de Tchassiv Iar, dans l’est de l’Ukraine, ont organisé un office du Noël orthodoxe dans une cave, disant voir dans le symbole du Christ une invitation au courage.
Presque tous les fidèles et les chanteurs de la chorale ont fui la ville pour des régions plus sûres, et seules neuf personnes assistent à l’office dans le sous-sol d’un immeuble partiellement effondré depuis un bombardement en novembre.
« Le Christ est né dans une grotte. Vous et moi sommes également dans une grotte », lance le prêtre Oleg Kroutchinine au groupe, désignant d’un geste le sous-sol aux fils électriques et tuyaux apparents, éclairé d’une ampoule.
Cela a probablement une signification particulière : ne perdez pas courage, n’abandonnez pas… », poursuit-il.
Tchassiv Iar est située à 10 kilomètres à l’ouest de Bakhmout, le point le plus chaud du front, et vit sous la menace constante des bombardements depuis de nombreuses semaines.
Pendant les neuf premiers mois de la guerre, les chrétiens orthodoxes de la ville ont célébré leur culte dans une église en briques blanches aux dômes dorés, bien que le bâtiment ne dispose d’aucun abri souterrain.
Mais il y a deux semaines, un missile a atterri dans le cimetière de l’église et en a brisé les fenêtres.
Une fête de Noël non loin des tirs d’artillerie
Les paroissiens ont fait ce qu’ils ont pu pour égayer l’espace, en plaçant un petit sapin de Noël au sommet d’une armoire en bois, en accrochant des tapisseries blanches et rouges et en enroulant des branchages autour d’un tuyau, comme une guirlande.
Olga Kroutchinina dit être fière de cet effort, même si elle sort son téléphone pour montrer de l’entrée richement décorée de l’église l’année dernière.
« Pour nous, tout se passe bien », dit-elle. « Quand je pense aux militaires que je connais, ils sont dans des conditions bien pires ».
Pendant les deux heures que dure l’office, les fidèles font de leur mieux pour faire abstraction de la guerre, ne sursautant qu’une seule fois à cause des tirs d’artillerie.
Allumant des bougies, ils se sont alignés pour se confesser et recevoir la communion, tandis que l’odeur forte de l’encens emplissait la pièce.
La chorale, qui comptait autrefois 15 membres, n’en compte plus qu’un : Zinaïda Artioukhina, 62 ans, qui dirige le groupe dans des psaumes qui deviennent souvent des solos. « Normalement, je chante la partie alto, donc c’était difficile de diriger », dit-elle après coup.
« C’est inhabituel ici. Aujourd’hui, c’est la première fois que je viens au sous-sol », poursuit-elle. « Dieu merci, nous nous sommes réunis. »
Fuir, à l’image de Jésus
Dans ses paroles, le prêtre Oleg Kroutchinine a comparé le sort de ceux qui ont fui Tchassiv Iar à celui de Jésus, dont la famille a fui en Égypte pour échapper au roi Hérode.
« Aujourd’hui, beaucoup de nos paroissiens ont également fui. Mais tous prient aujourd’hui avec nous, où qu’ils soient, là où le Seigneur les a sauvés des bombes et des obus », lance-t-il.
« Et nous espérons que, tout comme la Sainte Famille est retournée dans sa Jérusalem, de la même manière nos paroissiens retourneront dans leur Tchassiv Iar », ajoute le prêtre.
En attendant, l’église espère garder le sous-sol ouvert aux fidèles. Nina Popova, 77 ans, parcourt chaque jour trois kilomètres à pied pour s’y rendre et lire des cantiques – même lorsque les températures descendent bien en-dessous de zéro, comme ce samedi.
« Nous servirons tant que nous en aurons la possibilité », assure Olga Kroutchinina, l’épouse du prêtre.
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