Le média en ligne a eu accès à un document confidentiel de la Southern African Development Community (SADC), qui
détaille les travaux préalables à la décision prise le 8 mai 2023, lors d’un sommet de la Troïka de l’organisation, d’envoyer une force régionale dans l’est de la République Démocratique du Congo.
Avant de s’engager, le 8 mai, à déployer des troupes dans l’est de la République Démocratique du Congo, la Southern African Development Community (SADC) a convoqué une réunion de son sous-comité extraordinaire de défense. Elle s’est tenue le 6 mai à Windhoek sous la présidence du chef d’état-major des forces armées
de Namibie, Martin Kambulu Pinehas.

Dans un document confidentiel, auquel la source a eu accès, les responsables militaires de la SADC partagent leurs vues sur la situation et esquissent deux plans d’action contre les rebelles du M23 : le premier visant à déployer une force en République Démocratique du Congo sous la bannière de l’organisation régionale, le second à soutenir directement les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).
C’est finalement la première option qui a été retenue deux jours plus tard à l’occasion du sommet de la Troïka, l’organe chargé de la défense et de la sécurité au sein de la SADC. D’après les stratèges militaires de l’organisation, cette force doit être dotée de moyens conséquents et d’avions de guerre, avec une capacité de renseignement.
Ils recommandent également la mise à disposition d’une équipe spécialisée dans les engins explosifs improvisés (IED), un soutien en artillerie, des hélicoptères d’attaque et d’autres plus légers à des fins de transport et de reconnaissance.
L’ébauche de ce plan s’inscrit dans un contexte de guerre contre le M23, de l’échéance électorale incertaine de décembre 2023 et du retrait à venir de la mission des Nations unies en RDC, la Monusco. Ses auteurs vilipendent une force régionale de l’East African Community (EAC) -dont le mandat est expiré depuis le 8 mars et n’a depuis fait l’objet d’aucun renouvellement qui s’est refusée à combattre le M23.
Malgré l’option prise en 2022 par Kinshasa de miser sur l’EAC pour régler la crise sécuritaire, la SADC n’a jamais arrêté de travailler sur ce dossier, réactualisant régulièrement son plan depuis 2014 pour un éventuel déploiement militaire. Ces derniers mois, l’organisation régionale a notamment dépêché une mission d’évaluation en RDC avec des moyens aériens fournis par l’Angola.
Ladite mission a constaté une forte dégradation de la situation sécuritaire, avec près d’1,6 million de déplacés internes. Malgré les troupes de l’EAC et le déploiement de 20 000 soldats des Forces armées congolaises (FARDC) dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, l’Etat a perdu le contrôle de zones entières. C’est le cas notamment de positions, précédemment évacuées puis occupées à nouveau par le M23, dans les territoires de
Rutshuru, Nyiragongo et Masisi.
Une « coalition M23/RDF »
Reprenant les éléments de langage de Kinshasa, le document du sous-comité extraordinaire de défense pointe l’implication du Rwanda de Paul Kagame dans la crise en cours, et évoque une « coalition du M23 et de la Rwanda Defence Force (RDF)« .
Selon l’instance de la SADC, Kigali appuie
la rébellion du M23 à travers la fourniture de soutien logistique et d’équipements militaires « sophistiqués », notamment des missiles antiaériens et de l’artillerie. Des faits également documentés par le groupe
des experts de l’ONU et par les drones de la Monusco. Les chefs d’états majors de la SADC, qui appellent à la cessation totale des hostilités par les groupes armés, exigent aussi la fin du soutien du M23 par des États qualifiés d' »agresseurs étrangers connus ».
Plus encore, le sous-comité note l’attitude passive de l’EAC et de son ex-commandant, le général-major kenyan Jeff Nyagah qui
ont, selon Kinshasa, laissé passer 378 éléments issus des RDF en territoire
congolais, du 18 au 23 février.
La mission onusienne n’est pas épargnée par les plus hauts responsables militaires de la SADC. Ceux-ci prennent acte de la montée du sentiment d’hostilité de la population congolaise envers les casques bleus dont la protection nécessite désormais des efforts des FARDC.
Soulignant « l’échec » de la direction de la mission menée par Bintou Keita, incapable à ses yeux d’agir efficacement, le document estime que « les FARDC mènent des opérations seules depuis plusieurs années, tandis que la Monusco s’enlisait dans sa bureaucratie« .
Des tensions anciennes entre la SADC et la Monusco autour de la Brigade d’intervention (FIB) ont récemment ressurgi. Composée à l’origine, en 2013, de trois bataillons d’Afrique du Sud, du Malawi et de Tanzanie, elle dispose d’un mandat offensif et s’est longtemps composée principalement de personnels de la SADC rattachée à la Monusco. Elle a depuis intégré une Quick reaction force (QRF) du Népal, en 2021, et une autre du Kenya, à la fin de l’année suivante.
Ce qui a créé des tensions avec la SADC, laquelle reproche désormais une baisse de ses contingents et de ses équipements militaires notamment en matière d’artillerie et d’hélicoptères d’attaque rapatriés en Ukraine au début de l’invasion russe.
L’appel de la Monusco au Pakistan
Le sous-comité de défense souhaite rappeler au Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, la nécessité d’améliorer les capacités opérationnelles de la FIB, tenant à ce que cette force soit la dernière à quitter le territoire congolais lors du retrait de la Monusco.
Tout en s’agaçant des démarches de la Monusco auprès du Pakistan pour acquérir de l’artillerie lourde destinée à la FIB alors que l’équipement militaire est censé provenir de pays de la SADC. Ce qui « pourrait compromettre le commandement le contrôle du théâtre d’opérations« .
Ces derniers mois, l’Afrique du Sud s’était pourtant vue sollicitée à plusieurs reprises par les Nations unies pour la fourniture d’appareils et de munitions . A l’exception de vieilles munitions n’étant plus aux normes et refusées par la Monusco, Pretoria n’a finalement pas donné suite pour renforcer l’arsenal de la force.
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