Avec la dégradation de la situation sanitaire au cours des derniers jours, davantage de classes pourraient fermer à la rentrée des vacances et la classe à la maison redevenir plus fréquente

L’incertitude plane sur leur retour à l’école fin février-début mars, en raison de l’émergence rapide des variants du coronavirus et de la dégradation de la situation sanitaire dans certaines régions.
Une perspective que redoutent certains enseignants, qui craignent que des élèves ne suivent pas bien les cours à distance.
Mais pour Edouard Geffray, le directeur général de l’enseignement scolaire, les établissements et les enseignants sont désormais beaucoup mieux préparés à l’école à la maison.

Beaucoup de classes vont-elles fermer en mars ?

Une question qui se pose avec acuité avec la dégradation de la situation sanitaire dans plusieurs départements, liée notamment à la circulation de variants du coronavirus. Une situation qui conduit d’ailleurs des scientifiques à recommander un renforcement des mesures de distanciation sociale.

Ce potentiel recours accru à l’enseignement à distance, de nombreux enseignants l’appréhendent. Car ils ont gardé un souvenir très mitigé de l’école à la maison lors du premier confinement. Un rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale (IGESR) publié en janvier soulignait d’ailleurs les points noirs de l’enseignement à distance lors de cette période : problèmes techniques ou d’équipement, mauvaise coordination des enseignants, qui donnaient trop de travail aux élèves ou pas assez, révisions plutôt qu’enseignement de nouvelles notions.

Mais selon Edouard Geffray, le directeur général de l’enseignement scolaire, les choses devraient vraiment mieux se passer cette fois-ci : « Nous avons mis à disposition des établissements des plans de continuité pédagogiques pour les aider à organiser les enseignements à distance. Et chaque académie dispose désormais d’un référent « continuité pédagogique » qui peut aider les équipes », explique-t-il.

« Je ne suis absolument pas mieux équipée que lors du premier confinement »
Si l’improvisation n’est plus de mise, les problèmes ne sont pas tous résolus. Tout d’abord le manque d’équipement informatique des profs, ainsi qu’en témoigne Jade, professeure des écoles en classe de CP, qui a répondu à notre appel à témoins. « Je ne suis absolument pas mieux équipée que lors du premier confinement. Le matériel utilisé est le mien (ordinateur, téléphone, papier, imprimante…). Rien n’a été fourni. Je n’ai pas de webcam et je refuse de m’en procurer sur mon argent personnel », explique-t-elle. « Une prime informatique de 150 euros sera versée fin février aux enseignants, afin de financer une partie de leurs achats de matériel informatique », rappelle Edouard Jeffray. Mais pour le syndicat SNUipp-FSU, son montant n’est pas suffisant pour vraiment régler le problème du sous-équipement des profs.

Moult élèves ne disposent toujours pas non plus du matériel informatique suffisant. Et ce, malgré le fait que « l’équipe nationale numérique achemine parfois en urgence des ordinateurs avec des kits de connexion 4G », souligne Edouard Jeffray. « Bon nombre d’élèves résident en zone blanche, d’autres n’ont pas d’ordinateur et, pour certaines familles, l’accès à Internet se limite à un téléphone portable ou une tablette », observe Eric, prof de SVT.

Davantage de classes virtuelles en perspective

Coté pédagogie numérique, le bât blesse encore. Pourtant, selon Edouard Jeffray, l’effort de formation a été important ces derniers mois : « 125.000 enseignants ont suivi des sessions sur l’enseignement à distance via le réseau Canopé, et des dizaines de milliers d’autres ont été formés sur le sujet par leur académie ». Mais beaucoup d’enseignants sont passés entre les mailles du filet. Comme Isabelle, prof de français au collège : « Depuis mars dernier, nous n’avons reçu en guise de formation qu’une séance d’1 heure sur les fonctionnalités de Pronote », explique-t-elle.

Du coup, certains se sont débrouillés seuls, comme Céline, qui exerce en maternelle : « Je me suis formée personnellement ou avec des collègues, sur mon temps personnel, à l’utilisation de différentes plateformes de visioconférence, d’outils comme les blogs scolaires ou les padlets », explique-t-elle. Idem pour Johanna, qui travaille en lycée pro : « Nous nous sommes formés nous-mêmes sur Teams », raconte celle qui fera désormais des cours en visio.

Comme elle, de nombreux profs se sont jetés à l’eau de la visio, selon Edouard Jeffray : « En janvier, on a dénombré 2,1 millions de classes virtuelles effectuées à partir du site du Cned « Ma classe à la maison ». Sans compter les enseignants qui utilisent des plateformes académiques pour faire leur cours en visio ». Mais Alexis, prof de français au collège, veillerait à ne pas en abuser : « Il faudrait trouver le bon équilibre : trop de classe virtuelle, ça augmente le risque de décrochage ; pas assez et les élèves se sentent abandonnés ».

La crainte de « perdre des élèves »
Concernant l’organisation des cours et devoirs à distance, des progrès ont été effectués au niveau local depuis le premier confinement, selon Edouard Jeffray : « Les établissements ont tous désormais une personne en interne qui assure la coordination de l’équipe pédagogique, pour faire en sorte que les emplois du temps soient respectés, que les enseignants ne prévoient pas deux classes virtuelles à distance, que la charge de travail des élèves soit bien répartie dans la semaine ». Et certains établissements ont mieux préparé les élèves : « Nous les avons formés à utiliser l’outil informatique (envoyer un mail, placer une pièce jointe, enregistrer un fichier et le retrouver) », explique Eric, prof de SVT au collège.

Mais cette meilleure organisation ne permettrait pas de maintenir tous les élèves à flot selon certains profs, qui craignent que des enfants décrochent en cas de nouvelle période d’enseignement à distance, « Si cela devait arriver, je crains de perdre environ 50 à 70 % de mes élèves. Les causes sont multiples : niveau scolaire très bas, peu ou pas d’aide à la maison, parents ne voulant pas encadrer les devoirs ou ne sachant pas comment s’y prendre pour être efficaces », témoigne Jade, professeur des écoles en REP. Pour éviter cet écueil, Céline souhaite « être plus insistante auprès des familles sur l’obligation d’instruction, avec un retour obligatoire sur les apprentissages de leurs enfants à la maison ».

Autre risque : que les profs soient à nouveau contraints de revoir leurs objectifs pédagogiques à la baisse, comme lors du premier confinement. Le rapport de l’IGESR avait souligné que certains s’étaient « cantonnés à des révisions ». Mais pour Edouard Jeffray, le risque est limité : « Le confinement avait duré un mois et demi. Là, si on ferme une classe, ce sera pour une semaine ou dix jours.

Le trou dans la raquette n’est pas le même et c’est l’occasion de consolider les apprentissages ». « La solution serait peut-être de réduire le volume des programmes », suggère de son côté Abdel, enseignant au collège.


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