Dans ce cinquième épisode, David Levy, auteur de « Love and Sex with Robots », explique pourquoi, selon lui, de plus en plus de gens tomberont amoureux de robots d’ici à 2050… Image extraite de « Une fiancée pas comme les autres » à l’amour avec les robots. Pour cette série, nous avons rencontré des hommes, en France et au Japon, qui entretiennent une relation intime, amoureuse parfois, avec un personnage virtuel.

Pour le cinquième des six épisodes, nous avons rencontré le prophète des relations hommes-machines.

David Levy, auteur de Love and Sex with Robots, est catégorique. En 2050, non seulement des individus tomberont amoureux de robots androïdes, mais des mariages entre l’homme et la machine seront célébrés. Alors que

l’entreprise américaine Abyss Creations, spécialisée dans les poupées gonflables, s’apprête à sortir Harmony, un robot sexuel intelligent qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un humain, la fiction pourrait devenir réalité. L’expert en intelligence artificielle (IA) revient sur cette relation sexuelle et/ou amoureuse entre l’homme et le robot pour notre série de l’été « C bot l’amour ».

A quoi ressemblera un robot sexuel en 2050 ?

Il ressemblera énormément à un humain. Le Japonais Hiroshi Ishiguro, un scientifique d’Osaka, développe déjà des robots – classiques – qui ont la même apparence que l’homme. Il est célèbre pour ses robots humanoïdes et, selon lui, si vous vous trouvez dans une pièce avec l’un de ses androïdes, pendant les 10 ou 20 premières secondes, vous pouvez croire être en présence d’un humain. Et, avec le développement des robots, vous mettrez de plus en plus de temps à comprendre que vous faites face à une machine. Je pense que, d’ici à 2050, les robots seront très proches des hommes.

Harmony, le robot sexuel développé par l’entreprise Abyss Creations, est-il le premier pas vers ce que vous décrivez dans votre livre

L’amour et le sexe avec le Robot ?

Oui, c’est certain. Dans le livre que j’ai écrit en 2007, j’ai prédit que Abyss Creations serait la première entreprise du monde à fabriquer des robots sexuels. J’avais même prévu qu’elle y travaillerait deux ou trois ans plus tôt. Mais leurs robots ne seront pas aussi convaincants que ceux développés par Hiroshi Ishiguro. Ils seront proches des poupées gonflables qu’on peut voir depuis de nombreuses années, comme dans Une fiancée pas comme les autres (Lars and the Real Girl) , de Craig Gillespie. Des poupées gonflables avec de l’intelligence artificielle et un peu de conversation.

Comment avez-vous deviné qu’Abyss Creations serait la première sur le coup ?

J’ai supposé. Abyss Creations était la seule entreprise qui produisait avec succès des poupées gonflables de taille humaine, elle en fabriquait plusieurs centaines par an, son business progressait de manière stable. Je pensais qu’elle était la mieux placée pour se lancer sur le marché des robots sexuels et à cette époque la technologie existait déjà. C’était logique, et je ne connaissais aucune autre entreprise aussi avancée sur le terrain des poupées gonflables.

Comment expliquer que certains puissent éprouver des sentiments amoureux pour un robot ?

Certaines personnes qui ont acheté une poupée gonflable d’Abyss Creations développent un attachement fort, de l’amour, c’est prouvé. J’ai lu des interviews où certains expliquaient être amoureux. Ils traitaient leur poupée de la même manière qu’ils l’auraient fait avec une compagne. S’ils tombent amoureux d’un objet inanimé, on peut imaginer que ce serait encore plus vrai avec un produit animé. De plus en plus de gens devraient développer des sentiments à mesure que progressera l’intelligence artificielle. D’ici à 2050, il sera possible d’avoir des discussions avec les robots, cela aidera à créer une relation entre l’homme et le robot. L’idée était inhabituelle au moment où j’ai écrit mon livre mais, si vous observez les tendances du monde académique, ces dix dernières années, de plus en plus d’articles s’intéressent au sujet. Et ce n’est que le début.

Pourtant, le robot ne contredit pas, il dit ce qu’on a envie d’entendre…

Dans le futur, avec l’intelligence artificielle, les robots réagiront comme on veut. Si vous voulez un partenaire avec lequel vous vous disputez beaucoup, il y aura un paramètre pour le rendre plus offensif. D’autres paramètres auront une incidence sur la personnalité, la conversation, les sujets abordés… Quand on observe l’amour que portent certains maîtres à leur animal domestique, on voit facilement comment on pourrait tomber amoureux d’un robot. Il y a eu une enquête à Chicago dans le passé. On demandait à des femmes âgées si elles préféraient voir leur animal ou leur époux mourir en premier. La plupart répondaient leur mari. Si l’amour pour les animaux peut être fort, en considérant qu’ils ne parlent pas, alors l’attachement à un truc qui ressemble à un humain et qui agit comme un humain sera encore plus fort.

A l’heure actuelle, il est difficile d’imaginer un robot avoir une discussion élaborée. Pour certains scientifiques, c’est même peu probable.

Aujourd’hui, c’est vrai, mais d’ici à 2050, ça va changer. L’intelligence artificielle a besoin de temps pour résoudre un certain nombre de problèmes. Le premier concerne l’art de la discussion, il lui faudra du temps avant d’être capable d’avoir une conversation élaborée. La reconnaissance vocale est un autre écueil, ce que la personne dit, les mots qu’elle utilise. Pour le moment, il existe de nombreux logiciels de reconnaissance vocale qui comprennent la plupart des mots que vous prononcez. Tout le monde a une manière bien particulière de parler et l’intelligence artificielle n’est pas encore capable de reconnaître toutes les prononciations. Ça va prendre plusieurs décennies. Voilà pourquoi j’ai pensé que les mariages avec les robots ne commenceraient pas avant 2050. Les robots seront convaincants, car ils seront capables de comprendre tout ce que vous dites, ils pourront discuter.

Les robots sexuels sont parfois évoqués pour résoudre le problème de la prostitution. En quoi se différencient-ils des sextoys ?

D’abord, parce qu’ils ont l’apparence humaine. On n’est pas sur le même niveau, ils sont beaucoup plus évolués que les sextoys. Ils ne vont pas résoudre le problème de la prostitution. En Afrique et dans les pays pauvres, c’est difficile de prévoir, mais dans le monde occidental, ils pourront donner une autre réponse. Ils sont à l’abri des maladies sexuellement transmissibles et, au fil du temps, leur prix sera plus abordable.

Si on tombe amoureux et qu’ils ressemblent à une personne, peut-on considérer que coucher avec un robot, c’est tromper ?

On me pose souvent la question. Je ne pense pas qu’on trompe quelqu’un avec un robot. Regardez le nombre de femmes qui utilisent un vibrateur. Pensez-vous que c’est tromper ?

Mais si on tombe amoureux, on ne peut plus le comparer à un vibrateur ?

C’est vrai. Ça devient une décision personnelle. Certains peuvent se sentir trompés, d’autres non. C’est une vraie distinction : coucher avec sentiment et coucher sans sentiment avec un robot. Ce sont deux situations différentes.

Si on suit votre thèse, qu’on finit par se marier avec un robot, alors il devient identique à une personne, non ?

C’est vrai. J’ai même prédit que le premier mariage serait célébré dans le Massachusetts. D’abord parce que c’est l’Etat le plus progressif des Etats-Unis. C’est l’un des premiers endroits à avoir commencé à réfléchir sérieusement au mariage pour les personnes de même sexe et il compte de nombreuses entreprises spécialisées dans l’IA et la robotique. Dans le courant du XXe siècle, l’idée du mariage, de ce qui devait être légal ou non, a beaucoup évolué. Par exemple, il n’y a pas si longtemps aux Etats-Unis, il était illégal pour une personne blanche d’épouser une personne noire. Au XXIe siècle, certains Etats, au moins aux Etats-Unis, autoriseront les mariages avec les robots. On considérera que les gens devraient avoir le droit de se marier avec qui ils veulent – sauf peut-être leur frère ou leur sœur. Ça pourrait être un nouveau mouvement queer.

@WabSoft 


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