Selon un rapport de la FAO rendu public lundi, la malnutrition sévère ravage une des zones les plus fertiles d’Afrique. Une énième conséquence des conflits qui s’enlisent dans l’Est du Congo-Kinshasa depuis plus de vingt ans, et de ses corollaires.
Ici, le riz se récolte sans que la main de l’homme ne soit vraiment utile. «En saison des pluies, tu jettes le riz et ça pousse», affirme un habitant de Kongolo, dans le nord de la province du Tanganyika. Dans les collines, les paysans pouvaient espérer jusqu’à trois récoltes de maïs par an, les bourgeons reverdissaient sur des branches calcinées la veille. Et pourtant, en république démocratique du Congo où la terre est si généreuse, la malnutrition sévère sévit et menace 7,7 millions de personnes – une sur dix dans les zones rurales, alerte un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO).
«Dans les provinces du Kasaï et du Tanganyika – deux provinces de l’Est du pays –, la situation de crise alimentaire grave est avérée. Sur une échelle de 0 à 5, si l’état de famine est à 5, ces deux provinces sont à 4,» indique Claude Jibidar, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) à Kinshasa, qui a contribué à l’étude.
Les conflits politico-ethniques qui sévissent dans les deux zones sont la principale cause de la dégradation de la situation nutritionnelle. Des factions armées s’affrontent entre elles ou s’opposent aux militaires congolais. «500 000 personnes sont déplacées au Tanganyika depuis que les populations pygmées réclament plus de droits et combattent les différentes ethnies bantoues de la zone», affirme Claude Jibidar. Au Kasaï, en un an, 2,4 millions de personnes ont été touchées suite à la mort d’un chef tribal qui a dégénéré.
Pillage systématique
La population rurale se réfugie dans les forêts ou dans les zones urbaines et périurbaines pour échapper aux exactions des milices et de l’armée. Les paysans ont raté deux saisons agricoles et bientôt trois. Les zones sont souvent enclavées et peu accessibles. L’agriculture n’est donc qu’une agriculture vivrière, la population de ces régions n’a que peu de sources de revenus supplémentaires. Les récoltes ne sont pas vendues, elles n’ont d’autre but que de nourrir les familles et… les militaires aussi, qui se servent à leur convenance. Sans dédommager qui que ce soit, ça va sans dire. Mais dans le Tanganyika, la présence de 1 000 à 1 500 militaires, non rémunérés, n’est qu’un fléau supplémentaire. Un pillage systématique qui ne peut expliquer à lui seul l’insécurité alimentaire, d’autant plus qu’il perdure depuis des décennies.
Certes les déplacés parviennent à trouver dans la nature de quoi s’alimenter : des baies et des fruits sauvages. «Et ils s’aventurent aussi parfois la nuit dans leur village pour récupérer du manioc – base de l’alimentation avec le maïs – resté en terre», raconte Claude Jibidar. La malnutrition n’est pas seule en cause dans cette crise sanitaire. Le fait de ne pas avoir accès à l’eau potable, à une alimentation variée ou aux structures de soins en brousse ou dans les camps de réfugiés a contribué à la détérioration majeure de leur état de santé.
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