Rusesabagina dirigeait un hôtel cinq étoiles au Rwanda où 1268 personnes s’étaient refugiés pour échapper au génocide. Le sang-froid dont il avait fait preuve, qui avait tenu les tueurs à distance et sauvé ses client de la mort, lui valut d’être le sujet de “Hotel Rwanda”, un film nominé aux Oscars qui fit connaître son histoire au monde entier.

Aujourd’hui M. Rusesabagina est de retour au Rwanda, mais cette fois en état d’arrestation, enfermé dans une cellule spartiate du commissariat principal de Kigali meublée d’un simple lit drapé d’une moustiquaire. Avec son allure d’hôtelier toujours impeccable, blazer repassé, chemise blanche, mocassins cirés, il tente d’éclaircir les derniers rebondissements d’une histoire personnelle qui pourrait même surpasser sa version hollywoodienne.

Paul Rusesabagina

Paul Rusesabagina est un critique de longue date du dirigeant rwandais, lui-même autrefois salué comme un artisan de la paix, mais plus récemment largement critiqué comme un homme fort répressif.

En août 2020, le président Rwandais Paul Kagame a attiré M. Rusesabagina au Rwanda sous de faux prétextes depuis son domicile au Texas, où il était résident permanent.

M. Rusesabagina, un citoyen belge, avait juré de ne jamais retourner dans son pays natal et croyait s’envoler pour le Burundi. Il a été arrêté à son arrivée à Kigali et finalement condamné pour son implication dans de violentes attaques rebelles au Rwanda en 2018 et 2019.

Le département d’État a déterminé en mai que M. Rusesabagina était « injustement détenu« , un statut qui a également été accordé à la star du basket Brittney Griner lorsqu’elle était détenue en Russie, et qui fait de M. Rusesabagina l’équivalent d’un prisonnier politique.

Certains militants des droits de l’homme ont critiqué la présence de M. Kagame au sommet. Dans un article paru dans le Time cette semaine, Jeffrey Smith, un militant qui promeut la démocratie en Afrique sub-saharienne, a déclaré :  » Le président rwandais est particulièrement rusé et impitoyable dans sa consolidation totale du pouvoir politique dans son pays. »

Antony Blinken a soulevé le cas de M. Rusesabagina lors d’une visite en août à Kigali, où il a rencontré Kagame. M. Blinken a également insisté auprès du dirigeant rwandais sur le soutien apporté par son pays aux milices dans l’Est de la RDC et sur d’autres problèmes de droits de l’homme dans le pays.

Il n’y a pas si longtemps, M. Rusesabagina, 66 ans, était acclamé en héros par l’Amérique, fêté par Oprah Winfrey, décoré de la Médaille Présidentielle de la Liberté par le président George W. Bush; il engrangeait de confortables honoraires de conférencier sur les horreurs du génocide, un exemple vivant de ceux qui s’y opposent, une icône des droits de l’homme.

Il se retrouve aujourd’hui dans le pays où il s’était juré de ne plus remettre les pieds, à la merci d’un président qui le traquait depuis 13 ans, et s’apprête à être jugé pour meurtre, incendie criminel et terrorisme.

Comment je suis arrivé ici, c’est plutôt ça qui est étonnant ”, dit-il, le sourire en coin, lors d’un entretien la semaine dernière dans la prison, en présence de deux représentants du gouvernement rwandais. “ En fait, je ne venais pas ici ”, conclut-il.

Par Gédéon Ngango


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