Les États généraux de la justice organisés du 6 au 16 novembre 2024 en RDC, ont suscité des débats intenses sur des questions clés touchant au système judiciaire et à la souveraineté nationale. Parmi les sujets les plus discutés figure la possibilité d’engager des poursuites judiciaires contre le président rwandais Paul Kagame et d’autres officiers de l’armée rwandaise, accusés de crimes graves dans l’est du pays.

Depuis des années, l’est de la RDC subit des violences liées à l’instabilité régionale, exacerbées par l’implication présumée du Rwanda dans les conflits armés et l’exploitation illégale des ressources naturelles. Les participants aux États généraux, issus de divers milieux, notamment des magistrats, avocats, experts juridiques et membres de la société civile, ont exprimé une frustration croissante face à l’absence de mandats d’arrêt délivrés par la Cour Pénale Internationale (CPI). Ce vide a conduit à une impression d’impunité pour les crimes commis, exacerbant la colère des populations locales.

Pour pallier ce blocage apparent au niveau international, plusieurs recommandations ont été formulées. Parmi celles-ci, la création d’une commission internationale d’enquête dirigée par des experts congolais pour documenter de manière exhaustive les crimes perpétrés dans l’est du pays. Cette commission aurait pour mission de remonter la chaîne des responsabilités, qu’elles soient africaines ou internationales, en rassemblant des preuves solides permettant d’engager des actions judiciaires efficaces.

Photo d’illustration

Une autre proposition phare consiste à déposer des plaintes pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité auprès de juridictions nationales compétentes en matière de crimes internationaux. Cette approche, souvent appelée « compétence universelle », permettrait de contourner les lenteurs et blocages des institutions comme la CPI, souvent critiquées pour leur partialité ou leur manque d’action face aux puissances influentes.

Les participants ont également plaidé pour que le gouvernement congolais saisisse le Conseil de sécurité des Nations Unies afin que celui-ci reconnaisse officiellement les actes d’agression perpétrés par le Rwanda. Conformément à l’article 39 de la Charte des Nations Unies, cette reconnaissance pourrait ouvrir la voie à des sanctions économiques et politiques contre Kigali. Parmi les sanctions proposées figure le blocage du commerce des minerais entre le Rwanda et les multinationales qui profitent illégalement des ressources extraites des zones de conflit en RDC. Ce commerce illicite est souvent pointé comme un facteur majeur dans le financement des groupes armés opérant dans la région.

Parallèlement aux recommandations visant Paul Kagame et le Rwanda, les États généraux ont également mis en lumière des enjeux cruciaux pour le système judiciaire congolais. Des réformes structurelles profondes ont été demandées pour renforcer l’indépendance de la justice et la rendre plus efficace face aux défis actuels. La réduction de la surpopulation carcérale et l’humanisation des régimes pénitentiaires figurent parmi les priorités. Ces mesures visent à redorer l’image du système judiciaire congolais, souvent perçu comme inefficace et corrompu.

Ces recommandations s’inscrivent dans un cadre plus large de réformes destinées à consolider l’État de droit en RDC. Durant dix jours, les plus de 3 500 participants, incluant des experts nationaux et internationaux, ont formulé 359 propositions pour améliorer le fonctionnement de la justice dans le pays. Ces propositions abordent des questions variées, allant de la formation des magistrats à la lutte contre la corruption, en passant par la révision des textes législatifs pour les adapter aux réalités contemporaines.

La demande de justice exprimée lors de ces assises reflète une aspiration profonde des Congolais à mettre fin à des décennies d’impunité et de violences. Les débats ont montré une détermination collective à utiliser tous les moyens possibles, tant au niveau national qu’international, pour garantir que les responsables des crimes commis dans l’est du pays répondent de leurs actes.

Les États généraux de la justice ont ainsi ouvert la voie à des actions concrètes visant à redéfinir le rôle de la RDC dans la lutte contre les crimes internationaux. Si les recommandations émises sont suivies d’effets, elles pourraient transformer la manière dont le pays gère les questions de souveraineté judiciaire, tout en renforçant sa position sur la scène internationale face aux défis sécuritaires et diplomatiques.


En savoir plus sur Wab-infos

Subscribe to get the latest posts sent to your email.