Les fragiles relations entre la France et le Rwanda connaissent un regain de tensions. En cause, la relance de l’enquête française sur l’attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana en 1994. Cette enquête avait déjà provoqué une rupture des relations diplomatiques entre 2006 et 2009.
Ce passé ne passe décidément pas. De nouvelles tensions diplomatiques sont apparues entre la France et le Rwanda ces derniers jours. Dans un discours à Kigali ce 10 octobre, le président rwandais Paul Kagame a en effet évoqué la possibilité d’une nouvelle rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.
En cause, la réouverture de l’enquête française sur l’attentat du 6 avril 1994, qui avait marqué le début du génocide des Tutsis. Selon une dépêche de l’AFP, le 7 octobre, les juges français ont en effet relancé cette enquête, close depuis juin, en demandant à nouveau à entendre un témoin. C’est déjà cette enquête qui avait provoqué la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, entre 2006 et 2009.
Confrontation
« Ce que j’ai lu dans les médias, c’est que nous devions tout recommencer », a déclaré le président rwandais. « Mais tout recommencer veut dire beaucoup de choses […] Je devrais même demander, parmi les diplomates présents ici.Vous vous souvenez qu’à l’époque, plutôt que d’aller faire les visas à l’ambassade de France, vous alliez à une autre ambassade qui représentait ses intérêts ? Je demande à ceux qui nous ont rendu ces bons services de se préparer à le [re]faire ».
« Si tout recommencer veut dire une confrontation, nous aurons une confrontation », a insisté Paul Kagame. « C’est la France qui devrait être à la barre pour répondre devant la justice. »
En 2006, le Rwanda avait rompu ses relations avec la France suite à la délivrance de mandats d’arrêts internationaux contre neuf de ses hauts responsables. Jean-Louis Bruguière, le juge antiterroriste alors en charge de cette enquête, suivait à l’époque la piste d’une responsabilité du Front patriotique rwandais (FPR), alors rébellion majoritairement tutsie, et aujourd’hui le parti au pouvoir à Kigali. Pour Kigali, ce sont au contraire les extrémistes Hutus qui sont responsable de cet attentat, qui servait de signal de départ au génocide des Tutsis, qui a fait 800 000 morts selon l’ONU entre avril et juillet 1994. Début 2012, les résultats des expertises balistiques réalisées au Rwanda par les enquêteurs français sous l’autorité des juges Marc Trévidic et Nathalie Poux, semblaient confirmer cette hypothèse. L’enquête avait été close en juin et, depuis, les avocats des responsables rwandais mis en examen s’attendaient à un non-lieu dans cette enquête lancée en 1998. Les relations diplomatiques, qui avaient été restaurées en 2009, restent malgré tout fragiles entre les deux pays. Depuis plus d’un an et le départ de Michel Flesch, la France n’a plus d’ambassadeur à Kigali : le gouvernement rwandais n’ayant pas délivré son accréditation au successeur désigné par Paris, comme l’avait révélé Jeune Afrique. « Manoeuvre » La relance de l’enquête par les juges – désormais confiée à Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux – pourrait provoquer une nouvelle crise. Ceux-ci ont demandé à entendre un nouveau témoin, ce qui a conduit à la réouverture de cette enquête débutée en 1998. Il s’agit de Faustin Kayumba Nyamwasa, un dissident rwandais réfugié en Afrique du Sud, où il a été l’objet d’une tentative d’assassinat. Chef des renseignements militaires du FPR au moment des faits, Kayumba Nyamwasa avait été lui-même été soupçonné par la justice française d’avoir participé à l’organisation de l’attentat. Mais depuis sa dissidence et son arrivée en Afrique du Sud, il a plusieurs fois accusé Paul Kagame d’être le commanditaire de l’attentat et s’est dit disponible pour collaborer avec la justice française. Les premières tentatives des juges français pour l’entendre étaient restées lettre morte. Pour une raison encore inconnue, les juges ont repris espoir et ont renouvelé leurs tentatives avec une nouvelle commission rogatoire internationale. Interrogé par RFI, maître Léon Lef Forster, un des avocats des responsables rwandais mis en cause, a estimé qu’il pouvait s’agir d’une « manœuvre » pour « déstabiliser le président Paul Kagame ». Manifestement, le président rwandais fait la même analyse.
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