Pour Jamal Ibrahim, dont les soeurs ont été violées par des miliciens au Darfour, rien ne pourra ramener la paix dans cette région de l’ouest du Soudan tant que l’ancien président Omar el-Béchir n’aura pas été remis à la Cour pénale internationale (CPI).

Comme des dizaines de milliers d’autres personnes, M. Ibrahim et sa famille vivent depuis des années dans l’immense camp de déplacés de Kalma, dans l’Etat du Darfour-Sud, après avoir fui les violences.

« Deux de mes soeurs ont été violées sous mes yeux par des miliciens qui ont fait un raid dans notre village, mettant le feu à nos maisons », raconte à l’AFP l’homme de 34 ans.

« Béchir et ses hommes qui ont perpétré des crimes au Darfour doivent être remis à la CPI si on veut rétablir la paix dans la région », ajoute-t-il.

Il raconte que son village, Mershing, dans une région montagneuse du Darfour, a été attaqué en mars 2003 par des miliciens, peu après le début du conflit dans cette région qui a depuis fait environ 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU.

Les violences ont éclaté lorsque des rebelles appartenant à des minorités ethniques ont pris les armes contre le gouvernement de Khartoum, à majorité arabe, l’accusant de marginaliser économiquement et politiquement leur région.

Pour réprimer cette rébellion, Khartoum a recruté parmi des nomades en majorité arabe, formant une milice armée, les Janjawids, souvent à cheval ou à chameau.

Ces miliciens ont été accusés de mener une politique de la terre brûlée, pillant, incendiant et violant dans les villages soupçonnés de soutenir les rebelles.

L’ex-président Béchir, qui dément ces allégations, fait l’objet de deux mandats d’arrêt internationaux émis en 2009 et 2010 par la CPI pour « génocide », « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre » commis dans le cadre des violences au Darfour.

Après avoir régné d’une main de fer pendant trois décennies, il a été destitué en avril par l’armée après des mois de manifestations contre son régime.

Il est actuellement jugé à Khartoum, mais uniquement sur des accusations de corruption.

Pour les victimes des exactions au Darfour, comme Ibrahim, il doit aussi comparaître devant la CPI, ce à quoi se sont opposé jusqu’à présent les autorités.

Ibrahim affirme que son père et son oncle ont aussi été tués quand des miliciens à dos de chameau sont arrivés dans son village.

« Nous avons fui (…) et sommes venus dans ce camp. Depuis nous ne sommes pas retournés au village », explique-t-il à l’AFP.

Avec ses routes poussiéreuses et ses habitations en argile ou en briques, Kalma est l’un des plus grands camps du pays à accueillir des déplacés de la guerre. Il compte une école, un centre médical et un marché.

Des centaines de femmes et enfants y font quotidiennement la queue pour collecter leur quota mensuel de nourriture.

« Les chefs du camp nous disent qu’on doit retourner dans nos villages, mais on ne peut pas car nos terres sont occupées par d’autres », lance, en colère, Amina Mohamed, en parlant des nomades arabes qui occupent désormais de larges portions de terre appartenant aux Darfouris.

– « Prêt à témoigner » –

« On n’acceptera pas d’accord de paix à moins qu’on puisse revenir sur notre terre. On quittera ce camp seulement lorsque ceux qui ont commis les crimes seront emmenés devant la CPI », ajoute-t-elle.

Les autorités mises en place cet été à la suite d’un accord entre les militaires et les meneurs de la contestation ont promis de ramener la paix au Darfour, ainsi que dans les Etats du Nil Bleu et du Kordofan-Sud (sud).

Des négociations entre Khartoum et des groupes rebelles de ces trois Etats se tiennent actuellement au Soudan du Sud. Mercredi, les nouvelles autorités ont annoncé un cessez-le-feu « permanent » afin de montrer leur « engagement pour rétablir la paix ».

En attendant, les habitants du camp de Kalma répètent vouloir que les auteurs des horreurs qu’ils ont vécues répondent de leurs crimes, même plus de 15 ans après et même si les violences ont nettement diminué ces dernières années. Des centaines d’entre eux ont manifesté cette semaine contre les négociations à Juba.

Moussa Adam, 59 ans, explique que sept membres de sa famille ont été tués par des miliciens lors d’un raid dans son village en 2003.

« Je connais les chefs des milices (…) je suis prêt à témoigner devant la CPI sur leurs crimes », dit-il.

« On ne peut avoir la paix au Darfour que si les criminels sont envoyés devant la CPI », martèle-t-il.


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