En sollicitant la levée de l’immunité parlementaire de Constant Mutamba, ministre d’État en charge de la Justice, le procureur général près la Cour de cassation vient de déclencher un séisme politico-judiciaire à Kinshasa. Officiellement, il est question d’ouvrir une enquête pour détournement présumé de deniers publics. Officieusement, c’est une tout autre histoire qui se trame : celle d’un homme qui a osé défier les piliers de l’impunité dans un État où les lignes rouges sont encore dessinées par les puissants de l’ombre.
Depuis sa prise de fonction en mai 2024, Constant Mutamba n’a cessé de secouer les vieilles habitudes d’un système judiciaire trop souvent perçu comme corrompu et inféodé. Il a ouvertement traqué les greffiers voleurs de millions de dollars, exigé des audits à la Gécamines et à la Banque centrale, et osé lancer des poursuites contre l’intouchable Joseph Kabila. Son message était clair : « Plus personne ne sera au-dessus des lois. » Ce discours-là, dans la bouche d’un ministre congolais, est aussi rare qu’explosif.
Mais dans un pays où l’ordre établi ne pardonne pas l’insubordination, cette croisade ne pouvait rester impunie. En déclenchant la machine judiciaire contre celui qui la dirige, le système semble vouloir donner une leçon : à Kinshasa, la lutte contre la corruption a ses limites. Et elles s’arrêtent là où commencent les intérêts des clans, des réseaux, des anciens et nouveaux seigneurs du pouvoir.
Lire aussi : RDC : Le ministre Mutamba appelle à la discrétion sexuelle, tous genres confondus
Manœuvre politique?
La manœuvre judiciaire soulève des interrogations : comment expliquer que les poursuites soient lancées contre celui qui dénonce les détournements, et non contre ceux qu’il accuse ? Pourquoi l’Assemblée nationale est-elle appelée à juger un homme pour avoir fait ce que tous ses prédécesseurs ont évité : ouvrir les placards des grandes entreprises publiques et du régime Kabila ?

Mutamba paie-t-il aujourd’hui le prix de son indépendance ? Ou bien a-t-il réellement franchi une ligne rouge en mettant à nu les circuits financiers d’un État captif de ses propres élites ?
La République démocratique du Congo se trouve à la croisée des chemins. Si la justice devient l’instrument de règlements de comptes, c’est tout l’édifice démocratique qui vacille. Et si l’on muselle les rares voix qui osent affronter la corruption, alors le combat pour l’État de droit devient une illusion.
Constant Mutamba ne se présente pas en martyr. Mais son sort dira si la RDC est prête à tolérer, voire encourager, l’audace politique au sommet de l’État. Ou si, une fois encore, l’on sacrifiera celui qui aura simplement voulu appliquer la loi, y compris là où elle dérange.
Thomas Zawadi
Wab-infos.com
En savoir plus sur Wab-infos
Subscribe to get the latest posts sent to your email.