Les scientifiques ont révélé une autre méthode de découvrir si l’enfant est le fruit de la sélection sexuelle, grâce à la couleur et à la forme de nos yeux. Des chercheurs suisses et allemands réfutent cette hypothèse, dite de l’œil collaboratif.

D’après les scientifiques, il s’agit de l’Iris, un composant de l’œil coloré sur fond blanc. Plus plausiblement, la différence entre les yeux des humains et ceux des autres hominoïdes relèverait plutôt d’une dérive génétique, complétée par la sélection sexuelle.

Les humains échangent des regards profonds ! Que ce soit pour se défier ou pour mesurer l’intensité d’un lien. L’on dit aussi qu’ils se regardent « dans le blanc des yeux ». Il semblerait que ce blanc, qui correspond à l’enveloppe fibreuse externe du globe oculaire, dénommée sclérotique ou sclère, soit d’ailleurs un trait spécifique à l’espèce Homo sapiens. Jusqu’à présent, les scientifiques ont admis que le fort contraste entre iris coloré et sclérotique dépigmentée jouait un rôle majeur dans la communication non verbale des humains. Une étude récemment publiée dans Nature par des zoologues de l’université de Duisbourg-Essen (Allemagne) et des anthropologues de l’université de Zurich (Suisse) remet cependant en cause cette supposition et propose une autre explication : la morphologie de l’œil humain ne serait pas le résultat d’une adaptation au milieu, mais l’aboutissement de la sélection sexuelle.

L’hypothèse de l’œil collaboratif

C’est le zoologiste Desmond Morris (né en 1928) qui a popularisé au cours des années 1980 l’hypothèse selon laquelle la morphologie de l’œil chez l’humain est liée au comportement communicatif de l’espèce, et constitue un critère de distinction par rapport aux autres primates. L’œil humain se caractérise en effet par une très grande visibilité du fait non seulement de sa sclérotique dépigmentée, mais aussi de sa forme allongée et clairement délimitée. Une étude datant de 2001 perçoit en outre cette extension horizontale comme le résultat d’une évolution, dont le but serait d’augmenter le champ visuel et de permettre une communication efficace par le regard chez les primates humains.

Par regard, il faut entendre l’orientation des yeux, et non celle de la tête. Lorsqu’un humain dirige son regard vers un point précis, il signifie aux autres membres de son espèce qu’il dirige son attention sur ce point. Il est communément admis que ce genre de communication par le regard – regard direct, mais plus encore regard détourné, qui expose davantage la sclère – est plus développé chez l’humain que chez les autres primates.


Cette hypothèse, qui présume que la forme de l’œil a pu favoriser la communication chez les humains, a été dénommée hypothèse de l’œil collaboratif. Elle définit l’œil humain comme un outil social particulièrement efficace, puisqu’il serait capable de diriger l’attention de plusieurs individus, de transmettre des intentions et de guider des actions. Elle repose également sur une stricte ligne de démarcation entre les yeux des humains et ceux des autres primates, tant dans leur forme que dans le rôle social et cognitif qu’ils peuvent jouer.

À quoi ressemblent les yeux des primates ?
L’hypothèse de l’œil collaboratif repose en premier lieu sur le présupposé que la dépigmentation de la sclérotique est un caractère qui ne s’exprime que chez l’humain. Pour l’affirmer, les études antérieures ne se sont toutefois fondées que sur un nombre restreint de données. C’est pourquoi les chercheurs suisses et allemands ont élargi le champ d’observation à un corpus de photographies représentant plus de 380 hominoïdes relevant de quinze espèces, comprenant les humains, de grands singes comme les gorilles, les chimpanzés et les orangs-outans, et de petits singes (gibbons).

Le raisonnement est simple : dans la mesure où il n’existe que peu de preuves du rôle informatif joué par le regard chez les grands singes et où l’on sait que le regard n’a pas de valeur communicative notable chez les gibbons, chez toutes ces espèces, les yeux devraient tendre vers le sombre. Pour évaluer le degré d’ouverture et de luminosité des yeux des primates, les chercheurs ont utilisé plusieurs méthodes : ils ont ainsi quantifié le rapport largeur-hauteur afin de mesurer approximativement la forme de l’œil ; ils ont également calculé la quantité de sclérotique exposée, ainsi que les valeurs de luminosité afin de déterminer le plus haut contraste oculaire (entre le point le plus sombre et le plus lumineux de l’œil) et la luminance relative de l’iris par rapport à la sclérotique. Mais les résultats montrent que les humains ne sont pas les seuls à présenter des sclérotiques dépigmentées : c’est aussi le cas des gorilles (Gorilla gorilla), des bonobos (Pan paniscus) et des orangs-outans de Sumatra (Pongo abelii). Chez les petits singes, la sclère est majoritairement plus foncée que l’iris, qui remplit même parfois presque entièrement la partie visible de l’œil. Il est alors difficile de parler de contraste entre iris et sclère.

Les yeux plus contrastés ne sont ni une caractéristique des humains, ni même des hominidés. En effet, les chercheurs n’ont pas réussi à dégager de schéma expliquant la morphologie oculaire dans les deux familles cousines que sont les hominidés (humains et grands singes) et les hylobatidés (petits singes). Le cas particulier du chimpanzé (Pan troglodytes) représente en effet une exception : ses yeux sont les moins visibles de tous les hominidés, autant du point de vue de l’exposition que de la luminance. Le degré de luminance offre d’ailleurs des résultats peu concluants et les chercheurs en déduisent qu’il n’est pas un bon outil de mesure de la pigmentation oculaire. Ils recommandent plutôt d’utiliser la quantification du contraste pour des études ultérieures.


Si la dépigmentation de la sclérotique chez l’humain ne constitue donc pas une exception parmi les primates, ce qui est inhabituel, c’est plus exactement l’extrémité que représente l’œil humain, soulignent les chercheurs. Car la dépigmentation sclérale approche les 100 % au sein de notre espèce, tandis que les autres espèces de primates présentent toutes des variantes.
Pour expliquer cette exception, il faut tout d’abord écarter l’hypothèse de l’œil collaboratif. En premier lieu parce que les données sont encore trop lacunaires chez les mammifères. Ainsi, les études qui portent sur la compréhension du regard des singes sont réalisées sur des animaux en captivité répondant à des signaux émanant d’humains. Cette situation est loin de correspondre à ce qui pourrait se produire entre congénères, dans leur milieu naturel. Ensuite, parce que les humains seraient en réalité capables d’évaluer la direction du regard de leurs congénères sans que la sclérotique soit visible, lorsque iris et sclère sont de couleurs identiques par exemple (par un procédé artificiel). Les chercheurs en déduisent que la focalisation sur la dépigmentation de la sclérotique comme outil de communication pourrait donc être exagérée, également parce qu’il existe d’autres caractéristiques morphologiques (comme le contour allongé du globe oculaire) qui distinguent l’espèce humaine des autres hominoïdes.

Un trait de la sélection sexuelle

Après avoir invalidé les présupposés antérieurs, les chercheurs fondent leurs conclusions sur des présomptions qu’il faudra vérifier au cours de futurs travaux. Étant donné que les autres espèces d’hominidés présentent des couleurs variables de la sclérotique, ils estiment probable qu’une diversité similaire ait pu se manifester chez les ancêtres de l’Homme. Mais, selon eux, l’évolution de la pigmentation des yeux au sein de l’espèce humaine résulterait plutôt d’une dérive génétique, très certainement complétée dans ses effets par la sélection sexuelle.

On sait en effet que la luminosité du blanc des yeux signale l’âge de l’individu (chez l’humain comme chez les chimpanzés et les bonobos). Une sclérotique claire et visible pourrait donc avoir joué un rôle de signalisation plus important chez l’Homme, car certains singes, comme les gorilles et les orangs-outans, évitent de se regarder dans les yeux, et parce que la luminosité sclérale n’augmente pas l’attrait sexuel chez certaines espèces, comme les chimpanzés.

La diversité des teintes de l’iris est une autre caractéristique spécifique à l’espèce humaine ; chez les autres primates, la couleur de l’iris est uniforme au sein de l’espèce. On sait aussi que la couleur des yeux (qui est celle de l’iris en réalité) représente un critère de choix du partenaire sexuel chez les humains. C’est pourquoi les chercheurs émettent l’hypothèse que la couleur de l’iris, tout comme la sclérotique uniformément blanche, pourraient être des traits oculaires résultant de la sélection sexuelle.

En définitive, la morphologie de nos yeux, le renforcement de leur attrait au cours de l’évolution, n’auraient pas pour but de nous aider à communiquer plus efficacement dans le but de renforcer le groupe social. Si nous sommes capables de nous exprimer avec les yeux, c’est sans doute pour nous permettre de perpétuer l’espèce humaine.

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Avec SCIENCE AVENIR

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